SAPIENS

Jean-Louis Borloo, un homme à plusieurs vies

Riche avocat d'affaire devenu symbole social, ministre capé et politicien inclassable adoubé par les centristes, Jean-Louis Borloo a dans sa carrière multiplié les vies en butineur passionné, suscitant l'adhésion ou l'ironie, jamais l'indifférence.

Grand perdant de ce remaniement, celui qui a cru pouvoir succéder à François Fillon, a annoncé dimanche à l'AFP qu'il ne serait pas dans le nouveau gouvernement, préférant "reprendre sa liberté".

Il y a peu de temps encore, les personnalités de la majorité se succédaient dans les médias pour vanter ses qualités de négociateur et d'écoute.

"C'est un orfèvre en matière sociale, il a l'oreille des syndicats" expliquait le secrétaire général de l'Elysée Claude Guéant. "C'est l'homme capable d'impulser un acte II du quinquennat Sarkozy avec un plan de relance social", disait l'ex-Premier ministre Jean-Pierre Raffarin.

Dans le même temps, ses adversaires n'ont cessé d'ironiser sur son passé d'avocat d'affaire millionnaire qui avait mis au point un système d'audit pour reprise d'entreprises en faillite, avec licenciements à la clef, qui a fait la fortune de son ami Bernard Tapie.

D'autres, surfant sur la caricature de sa marionnette chiffonnée et alcoolisée des Guignols de l'info, ont épinglé son côté "brouillon", son manque de "régularité dans le travail", "son absence dans les moments difficiles", "ses effets de manche" et son discours parfois "confus".

Personnalité complexe aux multiples visages, Jean-Louis Borloo a confié avoir l'impression "de revivre le même film": "mal coiffé ou trop bien coiffé, j'ai pas la tête de l'emploi".

"J'ai quitté mon cabinet d'avocat parisien pour m'engager à Valenciennes, cité industrielle frappée par la crise. C'est là, il y a vingt ans (1989) que j'ai commencé mon combat politique", a-t-il expliqué.

Maire de Valenciennes pendant 13 ans, il occupe son premier ministère à la Ville en 2002 où il lance l'Agence de rénovation urbaine avant de devenir ministre du Travail en 2004.

Après un bref passage d'un mois à Bercy en 2007, marqué par une gaffe sur l'éventualité d'une TVA sociale, il a pris les rênes du ministère de l'Ecologie où il a conduit le Grenelle de l'Environnement.

"J'ai été nommé ministre de l'emploi avec 10,2% de chômeurs, je l'ai ramené à 7,2%, à Valenciennes, j'ai divisé le chômage par 2,5, quand aux quartiers, c'est près de 40 milliards qui ont aujourd'hui permis de rénover plus de 300.000 logements", a-t-il fait valoir.

Ses amis expliquent ses succès par sa méthode : "C'est une éponge qui absorbe ce qu'il entend, fait le tri et quand il fait la synthèse, apporte un plus d'intelligence pratique et d'humanisme", explique un responsable centriste qui souligne également sa capacité à "fédérer".

Mais, emporté par sa fougue, son désir de convaincre, il en fait toujours trop, soulignent ses détracteurs. Au final, si son bilan n'est pas négatif, il peut décevoir car il est en retrait sur ses promesses.

Au plan politique, s'il revendique des amis à droite et à gauche, Jean-Louis Borloo a toujours navigué à droite, de Génération écologie, dont il a été l'un des fondateurs avec Brice Lalonde, à l'UDF, l'UMP et au Parti radical.

"J'incarne les valeurs de la droite sociale et du centre", a-t-il expliqué dans un livre. En 2002, il avait cependant approché Lionel Jospin (PS) espérant décrocher un ministère. Mais le 21 avril a tout fait capoter et il a rejoint... le gouvernent Chirac.

Aujourd'hui, la famille centriste de la majorité, divisée, compte sur lui pour jouer les unificateurs et éventuellement la représenter en 2012.