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Abattement à La Courneuve après l'élection de Nicolas Sarkozy (REPORTAGE) Par Amer OUALI

LA COURNEUVE, 6 mai 2007 (AFP) - L'élection de Nicolas Sarkozy à la présidence a provoqué l'abattement parmi des habitants d'origine immigrée et les étrangers de la Courneuve (Seine-Saint-Denis), qui craignent un nouveau durcissement en matière de politique d'immigration.Peu avant 20H00, lorsque les premières estimations tombent, la plupart des clients du café Le Métro, Africains, Maghrébins, Chinois ou Pakistanais, se prennent la tête dans les mains.

Gnyma Cissé, 23 ans, d'origine sénégalaise, lunettes carrées et cheveux noués en chignon, tente de calmer sa colère. "Je suis dégoûtée", lâche d'une voix étouffée cette étudiante en anglais à La Sorbonne.

Elle appelle sur son portable sa belle-soeur qui n'a pas la nationalité française. "Fais tes valises, les avions sont déjà garés", lui dit-elle dans une allusion à la politique de maîtrise de l'immigration du candidat de l'UMP et sa décision d'augmenter les expulsions de clandestins lorsqu'il était ministre de l'Intérieur.

Devenu président, M. Sarkozy a promis de faire adopter dès le mois de juillet une nouvelle loi pour durcir les conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France.

"Ca ne présage rien de bon", tranche Méziane Ourad, un chômeur de 50 ans fumant cigarette sur cigarette. "La France va entrer dans une période qu'on n'a pas connue. Ce sera une société oppressante", affirme-t-il.

Ce père de famille d'origine algérienne arrivé en France il y a une vingtaine d'années n'a qu'un espoir: qu'il y ait un "rééquilibrage" des pouvoirs aux élections législatives de juin. Sinon, "nous allons vivre cinq années terribles", craint-il.

Karim, un marchand de poissons de 28 ans, de père algérien et de mère marocaine, n'a pas voté parce qu'il n'a jamais demandé la nationalité française. Il dit ne pas comprendre la "haine" de Nicolas Sarkozy contre les étrangers.

"Sarkozy dit qu'il aime la France qui se lève tôt. Pourtant, le seul jour où il s'est levé tôt (en se rendant dans un marché de gros), il a découvert que cette France est composée de +blacks+ et d'Arabes", ajoute le jeune homme.

Dans la cité déshéritée des 4.000 de La Courneuve, longues barres d'immeubles de béton gris, nombre de jeunes expriment leur animosité à l'égard de l'ancien ministre de l'Intérieur, qui avait promis de "nettoyer" leur cité en 2005 après la mort d'un adolescent, victime d'un règlement de comptes. Et beaucoup avaient espéré jusqu'au bout la victoire de la socialiste Ségolène Royal.

"J'ai voté Sègolène", chantent en choeur un groupe d'une dizaine de jeunes Africaines. Parmi elles, Assetou, 19 ans. "Je l'aime bien, elle n'est pas raciste. Grâce à Dieu, elle sera présidente" à l'avenir.

Certains prédisent de nouvelles violences dans les banlieues, secouées par trois semaines d'émeutes en 2005. "Avec Sarkozy, les émeutes seront permanentes", affirme Farid, un livreur de 25 ans.

Mais son avis n'est pas partagé par tous.

"Quelques voitures seront brûlées mais ça n'ira pas plus loin", prédit Kamel Hamza, attaché parlementaire d'une trentaine d'année et candidat de la droite aux prochaines legislatives.

Alors que la nuit tombait sur les barres de béton de la Courneuve, aucun signe de tension particulier n'était perceptible.